Le droit de retrait : « se protéger mais ne pas se mettre en faute ».
Le droit de retrait est fréquemment évoqué depuis le début de la crise sanitaire. C’est en effet un droit fondamental garanti à tout salarié par le Code du travail (Article L 4131-1).
Il est implicitement lié à l’obligation pour l’employeur de protéger ses salariés comme indiqué à l’article L. 4121-1 du Code du travail.
Le droit de retrait est indissociable de la notion de DGI (Danger Grave et imminent) menaçant le salarié.
Attention, c’est un droit individuel, qui peut être invoqué par le salarié seulement si 4 conditions bien précises sont remplies, et dont la légitimité s’évalue au cas par cas (in fine par l’Inspection du travail, voire par le juge).
Les 4 conditions à respecter : ALERTE + DANGER GRAVE + IMMINENT + motif RAISONNABLE
L’article 5 du décret n°85-603 du 10 JUIN 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité dans la FPT, précise les éléments suivants :
"Si un agent a un motif raisonnable de penser qu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (ainsi que toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection), il en avise immédiatement son supérieur hiérarchique.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’autorité territoriale prend les mesures et donne les instructions nécessaires pour permettre aux agents, en cas de danger grave et imminent, d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement leur lieu de travail.
Aucune sanction ne peut être prise, aucune retenue de rémunération ne peut être effectuée à l’encontre d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou pour leur santé.
La faculté ouverte au présent article doit s’exercer de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.
L’autorité territoriale ne peut demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection".
En creux, ça veut dire qu’une sanction financière et/ou disciplinaire pourrait être prise contre un agent qui n’aurait pas respecté les quatre points suivants en même temps :
L’ALERTE. Dès qu’on pense déceler un risque, on a l’obligation légale de le signaler à son supérieur hiérarchique. On parle de « droit d’alerte », mais c’est en réalité un « devoir » d’alerte. Comment ? Le plus vite possible, et par tous les moyens utiles, mais il vaut mieux qu’il y ait des traces... Pas de droit de retrait sans droit d’alerte…
Le danger GRAVE. Il s’agit d’une menace pouvant provoquer la mort ou une incapacité temporaire prolongée ou permanente. Dans le cas du Coronavirus, le caractère éventuellement GRAVE ne fait guère de doute… mais à condition d’y être réellement exposé. Voir (de loin) une personne atteinte du Covid19 n’est pas grave en soi…
Le danger IMMINENT. Il s’agit d’un danger à même de se produire dans un délai très rapproché. Ce qui veut dire que pour pouvoir percevoir ce risque, il faut être sur son lieu de travail, percevoir le risque à même de se produire, ou constater une défectuosité dans les systèmes de protection. Chacun comprendra que ce dernier point est fondamental dans le contexte actuel. Mais cela veut dire aussi qu’on ne peut pas déclencher un droit de retrait avant de se rendre sur son lieu de travail.
Suis-je protégé(e) et légitime à me mettre en droit de retrait si une organisation syndicale a déclenché une « procédure d’alerte » au niveau national ou local ? ABSOLUMENT PAS. Je dois percevoir une menace imminente sur mon propre lieu de travail pour user de mon droit de retrait, qui est individuel.
Le motif RAISONNABLE. Je dois avoir des raisons valables de penser que je suis menacé par un danger grave et imminent, sans que ce soit à moi d’en faire la preuve.
Ce n’est pas au salarié de prouver l’existence d’un DGI, mais c’est à l’employeur de prendre des mesures pour le protéger, ou de lui prouver éventuellement que ce DGI n’existait pas. Mais attention, la peur et l’inquiétude, séparées d’une situation particulière de travail, ne peuvent pas seules justifier un droit de retrait…
« Défectuosité dans les systèmes de protection » ? Dans le cadre de l’épidémie de Covid19, une entorse à l’un des éléments suivants pourrait probablement accréditer un DGI :
• Insuffisance d’un des moyens de protection exigés par les autorités sanitaires
• Insuffisance de mise en place d’une organisation adaptée (distances, matériel de protection comme les masques,…)
• Insuffisance de mesures de protection collectives (nettoyage des locaux, modes de circulation…)
• Impossibilité de moyens de protection individuels conformes aux normes sanitaires
• Absence ou insuffisance dans l’évaluation des risques
L’alerte, ainsi que les mesures prises pour y remédier, doivent être inscrites dans un registre des dangers graves et imminents qui est tenu par l’employeur. Voir à ce propos la procédure retenue par la Région au CHSCT du 26 mai 2020. En cas de désaccord sur la réalité du DGI ou sur les mesures à prendre, le CHSCT doit être réuni dans les 24 heures.
COMMENT FAIRE USAGE DU DROIT DE RETRAIT ?
Si les 4 conditions sont remplies, un salarié peut décider de faire usage de son droit de retrait. Attention, c’est un droit individuel, pas collectif. Cela n’a aucun sens de « voter » un droit de retrait. Par contre, plusieurs salariés du même site peuvent décider en même temps de faire usage de leur droit de retrait individuel.
En cas de droit de retrait, est-ce que j’ai le droit de rentrer chez moi ? Pas forcément. La plupart du temps, non. Faire usage de son droit de retrait, c’est se retirer de la situation de travail qui comporte un DGI, à condition bien sûr de ne pas mettre les autres en danger.
On le voit donc, le droit de retrait peut être utilisé, dans le cadre de la crise sanitaire, si l’employeur n’a pas mis en œuvre les mesures de protection individuelle et collective de ses salariés, mais sa mise en œuvre est soumise au respect de plusieurs conditions.
Les élu.e.s FSU dans les CHSCT sont à votre disposition pour répondre à vos questions dans le cadre de la crise sanitaire et pour vous conseiller dans vos démarches. N’hésitez pas à les contacter.